DERNIER VOYAGE
Loin des montagnes lasses des présences humaines
Où pleurent les citadelles enveloppées de brouillard
Il traîne lentement ses pas et non sans peine
Guide son vieux Pegasus à travers les bois noirs
Traversant des rideaux de feuilles atypiques
Tranchant d'un coup d'épée ce qu'il ne peut pas voir
Ces branches éternelles vieux membres faméliques
De vieux troncs immortels pourrissant sans espoir
Vaincu il se promène sur le sentier des songes
Où des ombres lubriques le chassent et le méprisent
La défaite humiliante qui dans son âme ronge
Le courage puissante peut jouir de son emprise
Comme il est triste - hélas - terrassé par celui
Qui autrefois chassait buvait à ses côtés
De glorieux hydromels sur des tables fleuries
Plus dure est la souffrance du Souvenir passé
Cheminant en rêvant à des jours moins sordides
Où toute trahison serait bannie au loin
Il n'écoutait même pas le chant beau et liquide
De l'Ondine gracile qui au creux des reins
Portait mille joyaux d'opale et de tristesse
Ornements délicats d'une Reine des Eaux
Etre cruel et plein de pouvoir et d'ivresse
Tentée par le guerrier avide de ses os
Elle les voyait déja reposer immobiles
Sous la surface du Lac butin ô combien pur
Alignés un à un cimetière futile
Mais réjouissant spectacle pour les siècles futurs
Alors que le Pégase dépourvu de ses ailes
Le naseau frémissant goûtait ce chant nouveau
Songeait à la douleur qui le privait du ciel
A la lame traîtresse qui avait pris trop tôt
Ses deux nacelles blanches de plumes et de nerfs
Le Héros fut contraint malgré tout - sort funeste ! -
De perçevoir la voix qui disait la prière
Maudite de l'Ondine ...Oubliant tout le reste
Il la vit se tenant debout parmi les courbes
Des roseaux alanguis et des Ombres Mouvantes
Il comprit en fendant l'Eau - que ses jambes étaient lourdes ! -
Que l'heure était venue d'épouser la mourante
Il abandonna donc sans remords le coeur vide
Son joli compagnon mutilé sa monture
Et ouvrit grand ses bras à ce beau corps perfide
Pour un beau lit charnel qui fut sa sépulture
Dans la Forêt parfois aux heures impossibles
Quand la Lune se baigne et frémit doucement
Résonne l'écho cruel - sans effort inaudible
De cris chargés d'horreur et de henissements...