Le Sidth des Dieux
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 Stabat Mater Florea

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Baba
Chrysalide
Baba


Nombre de messages : 70
Age : 40
Localisation : Saint Sebastien
Date d'inscription : 10/09/2006

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MessageSujet: Stabat Mater Florea   Stabat Mater Florea EmptyDim 10 Sep - 20:29

Stabat Mater Florea

Puisque le temps ne guérit rien du tout , me voilà éternel .

Puisque ma route ne mène à rien , je ne me perdrais jamais .

Les blessures . Je suis las de les soigner , travail inutile , vain , dérisoire…Les blessures fleurissent en moi , fleurs qui éclosent en sacrilège , puisant leur force vitale dans des milliers de fêlures d’âmes . Veines pourpres et déceptions carnivores , jardin obscène . A l’abandon ?

Je m’y abandonne, une fois encore , terreau de choix. Laisse pousser les mauvaises herbes . Bientôt , on me visitera . Des enfants très sages cueilleront les meurtrissures violettes et les insectes creuseront leur nid dans mon ventre . Les petites filles , une fois rentrées chez elles , mettront mes blessures dans leurs herbiers précieux , au fond d’un tiroir . Mais , même ainsi dispersées , ces curieuses fleurs épineuses ne perdront pas leur pouvoir . Mêmes aplaties par des enfants , leurs parfum continuerait à s’insinuer dans mes narines .Les enfants ne savent pas . Ils ne savent pas qu’ils seront bientôt un terreau , cultivé et souillé par les autres , et par eux-mêmes .

La bouche pleine d’épines , je ne pourrais plus crier . Peut-être ne pourrais-je même plus bouger , dans l’étau de lianes d’une souffrance toute exotique . Les petites filles me fuiraient , les insectes m’abandonneraient…il faudrait brûler les herbiers , et les petites filles avec .

Mais il paraît que même la beauté a ses limites . Et que l’Art peut être dangereux . Les gens n’aimeraient pas voir des fleurs de chair pousser du ventre de leurs petites filles . La tristesse leur empêcherait de voir cette beauté , cette faune sauvage et insoupçonnée , même par eux , qui croient tout savoir. Eux ne verraient que le sang , et l’immobilité parfaite des corps morts . Pas les fleurs , oh non . Ils me nommeraient « meurtrier » , et m’enverraient croupir dans une cellule de prison . Plus encore , ils voudraient que j’y meure .

Mais je suis éternel , semblable à mon jardin de souffrance .
Ca n’a pas toujours été le cas . Autrefois , j’étais un petit garçon . Autrefois mes parents m’aimaient , m’offraient de l’amour et toutes sortes de choses.
Enfant , j’étais un roi , perdu dans un château niché au fond des bois . Comme j’aimais m’y perdre ! Je n’avais pas de sujets , ce qui peut paraître vital pour un roi…pour les autres en tous cas . Mais pas pour moi . Royale motte de terre encore vierge de toute souillure , je régnais sur un empire de sapins bleu nuit et d’araignées grincheuses , me pelotonnant la nuit tombée dans des draps poussiéreux , grelottant mais heureux , me croyant affranchi de la peur à tout jamais . Ecoutant le vent siffler sa complainte , je finissais par m’endormir , les pieds douloureux et la tête pleine de souvenirs . Un monde à rêver , et pas de blessures à soigner . J’étais un roi , et pour toujours pensais-je , mais un jour l’enfant a disparu .

Ce sont les anges qui ont chassé l’enfant . Pas l’innocence , non , mais bien le petit garçon . Les anges , même dénués d’ailes , sont d’une beauté fabuleuse , plus encore que les sylphes qui régnaient dan la forêt du jeune roi . Leurs jeux sont cruels , mais tentants , factices mais enivrants . Ils sont toujours là d’ailleurs , et ne me quitteront jamais .
J’ai rencontré mon premier ange dans une brocante .
J’ai tout de suite vu qu’il savait pour les fleurs , car , sur l’horloge qui trônait au milieu d’un bric-à-brac impossible et désuet , les aiguilles s’étaient figés , et le temps arrêté .
L’ange , puisque c’en était un ,fixait le cadran , le regard vide mais étrangement intense .
Lorsque je m’approchai , il comprit que je venais pour lui , se détourna du cadran et sourit . De ces fleurs haïes qui poussaient en moi , je ne voyais plus que les tons sublimes , et les germes de végétaux , pourris et morts-nés , ne m’importunaient plus . L’être étrange qui se tenait devant moi me donnait envie d’être comme lui , de devenir lui.
Senteurs pourpres et miasmes de sève , décomposition des pétales ; pistil empoisonné , corps prisonnier , l’ange ne semblait pas connaître tout cela . Un instant , j’eus envie de lui ouvrir le ventre , simplement pour vérifier . Puis je me ravisai ,car mon intuition me disait que quelque chose d’essentiel allait arriver dans ma vie , sans savoir encore que c’était l’éternité .
L’air toujours aussi détaché , le regard toujours empli d’un calme brûlant , l’ange mit en mouvement ses mains blanches , araignées de porcelaine , qui trouvèrent vite une petite boîte garnie d’une couche de poussière , simple et sans artifice .
Sans plus attendre , je l’ouvrai . Elle était vide , mais l’intérieur du couvercle était orné d’un petit miroir .
Plissant les yeux pour mieux apprécier le reflet , je m’efforçai d’en saisir les contours .

Je vis le petit garçon . Ses yeux étaient fermés , comme son visage . Il était mort .

Ma vie changea à ce moment-là . Je connus des plaisirs sans fin , dans l’eden d’une immortalité fraîchement acquise . Avec le temps , je compris que je pouvais redevenir roi , ailleurs , dans un autre palais . Je rencontrai d’autres de ces créatures angéliques , toutes semblables et toutes différentes , et appris que d’obscures floraisons les assaillaient aussi . J’appris qu’il n’y avait pas de chemin , pas d’espoir , et que l’on apprenait jamais rien .
Puis j’appris à m’y faire , car après tout , ces corolles de souffre et ces fleurs du gouffre , c’était mon jardin .


- Inspiré par « Dans La Serre » , Kathe Koja et Barry.N. Malzberg , Eros Vampire , Anthologie , Poppy Z Brite .-
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