La Dame Au Jardin
Elle vivait pâle et seule dans une grande maison
Où les murs gémissaient d’innombrables murmures
Elle priait d’anciens dieux vivait à sa façon
Ses voisins la raillaient en la traitant d’impure
Son jardin désuet poussait à l’abandon
Protégé à jamais par d’étranges sculptures
Qu’elle-même avait conçu avec foi et passion
Des formes arrachées à la pierre la plus dure
Toute entourée de ronces sa demeure évoquait
Le tombeau dérisoire d’un cœur trop tôt noirci
Mais les anges qui parfois le soir la visitaient
Lui chantaient en silence le secret de la vie
Ses yeux bruns et ses mains fragiles caressaient
Jusqu’à n’en plus finir l’ébène de la nuit
Comme aveugle jamais elle n’osait allumer
La flamme un peu trop vive de ses vieilles bougies
Bien sûr elle avait peur qu’on vienne l’arracher
A cette sombre bicoque qui sentait le lilas
Que de rares enfants jouaient à explorer
« Il y a même des fantômes et des morts tu verras ! »
Mais elle dansait toujours d’un pas souple et léger
Dans ce si beau salon plein de vieux souvenirs
Le tic-tac de l’horloge aimait l’accompagner
Et sa danse disait « je ne veux pas mourir »
Pourtant il fut un soir chargé d’odeurs d’été
Où son cœur se brisa doucement sans prévenir
On la retrouva morte une image à ses pieds
Celle de son mari qui ne pouvait revenir
De cette grande guerre qui l’avait emporté
La laissant avec sa douleur pour avenir
Elle qui jamais n’aurait pu imaginer
Vivre sans son amour ce si bel élixir
Alors on l’enterra sobrement sans un mot
Au cimetière du village sans grande cérémonie
Ses voisins autrefois moqueurs et bien idiots
Ne riaient plus maintenant de ses drôles de manies
Elle laissa aux enfants son poussiéreux château
Que le lierre impatient et dense avait conquis
Et les anciens parfois en ôtant leur chapeau
Racontent en chuchotant l’histoire de sa vie