Je viens d'exhumer ça de mes vieux "travaux" (il date d'un an ou deux), je me suis dit que ça pourrait ptet intéresser du monde ici :
DISGRACES DU POU
[1] Les semaines ont passé, et aujourd'hui le Sisyphe héraultais a trainé son rocher inexorable jusque dans les plaines d'Aragon, prêt à continuer envers et contre tout sa funeste mission. Ange aux ailes brûlées, aux jeux de jais cerclés de nacre, tu tiens en ton pouvoir celui que tu convoitais tantôt. Entends-tu ses cris de désespoir traverser la nuit glaciale et ressurgir, mille kilomètres plus loin, sous tes paupières alourdies ? Un sourire s'esquisse sur ton visage, te voilà élevée a ton juste rang, tandis que le pou, couché dans la boue, t'implore. Avoir réussi à inspirer une telle dévotion chez cet être plein de chaos relève de l'exploit ; désormais tu peux à loisir contempler cette mouche s'épuiser dans tes toiles. Le tonnerre gronde sur l'Aragon, un fin crachin rend le marbre glissant et embourbe les sols plus humbles. Envers et contre tout, Sisyphe y traîne son rocher et recherche sa chimère vivante en pleurant des larmes fielleuses. Mais c'est en vain qu'il cherche sous la pluie celle dont le rayonnement dissipe les nuages.
[2] Trompant sa solitude au moyen d'un prénom de femme répété inlassablement dans son lit, couvert de sueur, le pou crie comme l'on crie dans les rêves, avec l'esquisse d'un râle qui ne parvient pas à franchir le larynx. Il ose rêver, l'inconscient ! Ne sait-il pas que, dès lors que son pied lacéré par les intempéries a foulé le sol de cette terre, le destin a su se faire le plus impitoyable des croquemitaines ? Mais la rage a tôt fait de succéder au rêve. Le pou pense qu'aimer lui semble être le plus vil parmi les traîtres sentiments, la plus frigide des frivolités. Il se souvient de (CENSURÉ) au coeur insatiable, celle qui nuit et jour comme Niobé versait des larmes intarissables. Il ne peut se résoudre à s'imaginer que la même cruelle destinée lui sera réservée. Et la rage le consume, lui, le pou, d'éprouver une bassesse que ses pires ennemis considèrent pour la plupart comme finalité d'une existance, totem inviolable ! Il pense comme eux ! Le pou se découvre des sentiments humains ! À la rage succède alors le désespoir, il ne retient plus d'avantage ses cris et taillade ses chairs avec une animosité exacerbée. Je n'ai pas mérité de vivre, pense-t-il ; pourtant, mourir serait pour moi une bien piètre consolation, puisqu'elle marquerait la victoire du genre humain sur moi ! Non, ma souffrance les étouffera, je vivrai pour que le repos leur soit inaccessible ! Je ne flancherai pas, je ne succomberai pas aux passions que le créateur tente d'insuffler dans ma cervelle malade. Et si celle dont l'image me hante nuit et jour entrave ma route, elle disparaîtra également sous les eaux saunâtres qui émanent de mon chaos. Ainsi parla le pou avant de sombrer de nouveau dans un sommeil tourmenté. Créateur, tu as beau rire sous cape de ton éphémère victoire, méfie-toi du pou. Ce n'est pas un ennemi à négliger.